Envers la tyrannie du réel
Matérialité et exubérance
camp en vidéo-performance
Nous vivons et faisons l’expérience du monde à travers des matériaux, des objets et des choses, qui, en échange, déterminent la manière dont nous façonnons et affirmons notre identité. Nous les choisissons parce que leurs propriétés nous aident à découvrir et à naviguer le monde. Des interprétations jaillissent à partir des associations que nous créons avec ces objets et de notre lecture de leurs « caractères », anthropomorphes ou non, transformant ainsi notre rapport à l’objet en une relation qui est simultanément très personnelle et éminemment politique.
Exposer sa propre interconnexion au monde matériel pour affirmer sa déviation par rapport à la norme devient un geste qui appelle à une reconsidération du banal. En effet, la valorisation délibérée de l’humour et de la théâtralité qui se dégagent déjà de la divulgation de nos étranges liens personnels avec les choses peut être un moyen de révéler des vérités habituellement imperceptibles dans un monde complexe et embourbé.
Susan Sontag décrit l’essence du camp comme « l’amour de l’innaturel : de l’artifice et de l’exagération ». Mais l’exposition de nos relations si intimes avec les choses, tout aussi étranges qu’elles soient, n’est-elle pas en fait un acte révélant le naturel, l’inné, dans la quête de sa propre identité ? Étroitement associé aux esthétiques queer, le camp marque la recherche d’une vérité cachée dans la réarticulation du réel. Parfois les objets changent le corps, des costumes et accessoires l’engagent dans une identité nouvelle. Vers une expression « sans masque » et débridée, critique de l’ordinaire, du commun, du conventionnel, du palpable, du beau. Envers la tyrannie du réel.
Les œuvres sélectionnées pour cette exposition montrent comment les objets, de par leur manipulation, sont par défaut empreints d’une théâtralité innée. Dans les performances que l’on voit à l’écran, ils deviennent « accessoires », de simples outils ou véhicules mettant en valeur un geste donné; ils occupent l’espace dans lequel la performance se déroule, poussant la dramaturgie au point de l’exubérance délibérée, camp. Cette sélection d’œuvres vidéo sonde un éventail d’approches, esquissant une gamme d’expressions possibles par la matière : du poétique au politique, en passant par le personnel et le loufoque. Ces artistes nous présentent « les choses » comme un moyen d’arriver à une profondeur de nuance impossible à atteindre uniquement par le geste ou le texte.
Commissaires : Chloë Lum et Yannick Desranleau
Artistes
Maya Ben David, Mike Bourscheid, Edith Brunette et François Lemieux, Océane Buxton et Salesforce Child, Marissa Sean Cruz, Rah Eleh, Erica Eyres, Beth Frey avec Phth, Séamus Gallagher, Geneviève Matthieu, Lenore Claire Herrem, Marisa Hoicka, Mathieu Lacroix, Amy Lockhart, Chloë Lum et Yannick Desranleau, Elizabeth Milton, Bridget Moser, Sin Wai Kin
Biographie
Chloë Lum et Yannick Desranleau
La pratique artistique collaborative de Chloë Lum et Yannick Desranleau est marquée par la théâtralité et la chorégraphie, investies au moyen de la vidéo, la performance, la sculpture, le son, le texte, et la photographie déployés dans leurs installations. Iels s’intéressent à la relation complexe et évasive entre les corps et les objets inanimés, sujet qu’iels explorent plusieurs années sous la lentille de la maladie chronique. Collaborant depuis 2000, ils sont basés à Amiskwaciwâskahikan (Edmonton).
Ils ont exposé notamment à la Esker Foundation, Calgary (2022); à la Cooper Gallery, University of Dundee, Scotland (2020); au Center for Books and Paper Arts, Columbia College, Chicago (2015); au Musée d’art contemporain de Montréal (2011, 2019); à la Kunsthalle Wien (2010); au BALTIC Centre for Contemporary Art (2009); au Whitechapel Project Space, Londres (2007); à l’Université du Texas, Austin (2015); à la Confederation Centre Art Gallery, Charlottetown (2014); et à la Blackwood Gallery, Université de Toronto (2012). Leurs performances ont été présentées sur scène (La Chapelle Scènes Contemporaines, 2025; OFFTA Festival, Montréal, 2016) ainsi qu’en galerie (Fonderie Darling, Montréal, 2015; Latitude 53, Edmonton, 2019).
Leurs œuvres font partie des collections du Victoria and Albert Museum; du Musée des beaux-arts de Montréal; du Musée d’art contemporain de Montréal; du Musée national des beaux-arts du Québec et de la BAnQ, de la Concordia University Library (Montréal), de l’University of Maryland Art Gallery, de l’University of Northern Iowa Gallery of Art, de la BMO Corporate Collection, de la KPMG Corporate Collection, et plusieurs autres collections publiques et privées. Iels ont reçu le prix RBC Arts Rising en 2022 et furent sélectionnéꞏeꞏs pour le prix Sobey 2025 et le 4e Prix en art actuel du MNBAQ en 2020.
Partenaires
Chloë Lum et Yannick Desranleau reconnaissent le soutien d’AXENÉO7 dans le cadre du programme Autorésidences 2020 pour la genèse de ce projet. Envers la tyrannie du réel est la quatrième itération de cette exposition, ayant débuté comme soirée-projection dans le cadre des dv_vd, initiée par Vidéographe et présentée à Dazibao à l’automne 2023, pour ensuite être présentée sous le titre We Made This Mostly at Home with Stuff We Already Had in Our Apartment: Prop Performance and Camp in Contemporary Canadian Video Art à la galerie FAB de l’Université de l’Alberta à l’automne 2024, et à AXENÉO7 à l’hiver 2025.


