Maude Bernier Chabot, Brie Ruais, Elizabeth Zvonar. Images rémanentes

Commissaire : Anne-Marie St-Jean Aubre

Du 1 février 2020 au 6 septembre 2020

À propos —

Elles vivent à Montréal, à New York et à Vancouver. À travers des sculptures, des céramiques ou des photographies, les artistes Maude Bernier Chabot, Brie Ruais et Elizabeth Zvonar ont une manière bien à elles de se faire écho.

Comment re-signifier le corps féminin? Faut-il éviter la représentation et l’évoquer à travers la sensation? Ou encore choisir l’abstraction afin d’échapper à la récupération? Le corps féminin se trouve au centre d’un champ de forces qui le refaçonnent sans cesse. Comme l’argile, il a la mémoire du contact. Mystérieux, sacré, sale, tentateur, provoquant : un tissu de références et de connotations lui est accolé.

Il est difficile de se défaire d’idéologies qui nous imprègnent au point où elles influencent encore pernicieusement nos manières d’être, d’agir, de penser. Le corps reste un lieu de revendications et de résistances pour les femmes. Les artistes Maude Bernier Chabot, Brie Ruais et Elizabeth Zvonar n’abordent pas ce sujet de manière frontale. Elles nous invitent néanmoins à interroger les fondements de ces références culturelles et idéologiques.

 

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Images à la une

Maude Bernier Chabot, Brie Ruais, Elizabeth Zvonar, vues de l’exposition Images rémanentes, Musée d’art de Joliette, 2020. Photos : Romain Guilbault.

Biographie —

Maude Bernier Chabot

Maude Bernier Chabot vit et travaille à Montréal depuis 2005. Diplômée de la maitrise en sculpture de l’Université Concordia (2015), elle est récipiendaire de plusieurs bourses notamment du Conseil des arts et des lettres du Québec et du Conseil des arts du Canada.Son travail sera présenté en avril 2020 à Diagonale à Montréal et fut exposé, entre autres, en 2018 à Struts Gallery & Faucet Media Arts Centre à Sackville au Nouveau Brunswick (Plaza); en 2016 à L’Oeil de poisson à Québec (Anatomie d’un paysage), à Circa à Montéal (The Fourth Kingdom) et à la galerie Yvonne Bombardier à Valcourt (Triade).

 

Brie Ruais

Brie Ruais est née en 1982 en Californie du Sud, Brie Ruais vit et travaille à Brooklyn (New York). En 2011, elle a terminé une maîtrise en arts à l’École des beaux-arts de l’université Columbia et a remporté en 2018 la bourse de la Fondation Pollock-Krasner. De nombreuses institutions ont présenté le travail de Brie Ruais, notamment le Regis Center for Art (université du Minnesota, Minneapolis) et le Museum of Fine Arts (Boston). Au printemps 2020, elle fera l’objet d’une exposition solo au Moody Center for the Arts (université Rice, Houston, Texas). Des œuvres de Brie Ruais ont été acquises par le Dallas Museum of Art, la Pennsylvania Academy of Art, la Pizzuti Collection (Ohio) et la Burger Collection (Hong Kong).

 

Elizabeth Zvonar

L’artiste canadienne Elizabeth Zvonar vit à Vancouver, sur la côte ouest de la Colombie-Britannique. Elle conçoit des objets et des images qui se comprennent par le biais de la métaphore et de la métaphysique, faisant appel à l’humour et aux références à l’histoire de l’art pour relever les inégalités entre les sexes et les structures hiérarchiques rétrogrades.En 2016, elle a été intronisée à l’Académie royale des arts du Canada et a été finaliste au prix de photographie AMIA/AGO (Toronto). À l’automne 2019, elle a réalisé une commande pour la Galerie Polygon intitulée Photography Is Hard. Elizabeth Zvonar est représentée par la Galerie Daniel Faria.

Mot de la commissaire —

Comment re-signifier le corps féminin? Faut-il éviter la représentation et l’évoquer à travers la sensation? Opter pour l’abstraction afin d’échapper à la récupération? Le corps féminin se trouve au centre d’un champ de forces qui le refaçonnent sans cesse. Comme l’argile, il a la mémoire du contact. Mystérieux, sacré, sale, tentateur, provocant : un tissu de références et de connotations lui est accolé. Elles s’accrochent, persistent et se renouvellent à travers le temps. Désiré, le corps est idéalisé au point d’être mythifié. Son image se distance ainsi de la réalité multiple qu’elle contribue à neutraliser. Désirant, ce même corps est perçu comme menaçant, animé d’un appétit sauvage, associé à la nature et au règne animal. Il serait capable de meurtre – un geste que l’on retrouve nommé comme tel dans le discours des anti-choix.

 

Une violence sourde habite cette exposition qui suggère le démembrement de corps mis à l’examen. On se surprend d’être tout de même séduit par ces surfaces reluisantes, ces traces découlant d’un combat avec la matière, ces visages anonymisés, ces tignasses en bataille ou, au contraire, contenues par des formes qui cherchent à les assagir. Ces œuvres anthropomorphiques nous parlent – « je choisis ce qui y entre », « mon corps, mon choix » – sans pour autant reconnaître notre présence. Car aucun regard ne retourne le nôtre, d’où le sentiment persistant de malaise, de voyeurisme, qui nous habite. Contribuons-nous ici au processus d’objectification du corps des femmes? Ou ces artistes perturbent-elles plutôt, par l’humour et la dérision, les rouages de cette mécanique?

 

Le corps reste un lieu de revendications et de résistances pour les femmes. Il est difficile de se défaire d’héritages idéologiques qui s’entrecroisent et nous imprègnent au point d’influencer encore pernicieusement nos manières d’être, d’agir, de penser. Les œuvres des artistes Maude Bernier Chabot, Brie Ruais et Elizabeth Zvonar n’abordent pas ce sujet de manière frontale. C’est dans leur façon de se faire écho qu’on trouve des références à des archétypes dont elles nous invitent à interroger les fondements. Ensemble, ces œuvres font allusion à certains récits, certaines associations d’idées, dont elles troublent l’articulation. Elles favorisent les doubles sens – visuels et textuels – pour se jouer des cadres restrictifs et ainsi contribuer à la mise en lumière de réalités plus complexes et nuancées. S’appartenir, c’est refuser l’étiquette, revendiquer la fluidité, assumer le geste frondeur. Quitte à se faire insolentes.

Anne-Marie St-Jean Aubre, conservatrice de l’art contemporain du Musée d’art de Joliette