Manif d’art 11 – La biennale de Québec.
Les forces du sommeil. Cohabitations des vivants

Commissaire : Marie Muracciole

Du 10 février 2024 au 28 avril 2024

À propos —

Manif d’art 11 – La biennale de Québec s’inspirera de l’hiver canadien et du sommeil de la terre pour s’intéresser à celui des humains et explorer les nuances multiples de l’éveil. Moments de latence, de transition, de pause, la saison froide et le sommeil ont en commun de suspendre la productivité, et de résister aux principes de l’exploitation des corps et des ressources. De ces alternances quotidiennes ou saisonnières, où les différentes espèces et leur environnement peuvent entrer en correspondance, dépendent la régénération du vivant, et aussi l’écoute, l’attention portée à la connaissance de soi et aux interactions avec d’autres formes de vie. Parce qu’il libère des forces intérieures incontrôlées et parfois décisives, parce qu’il altère nos réflexes et modifie nos perceptions, le sommeil a la capacité de modifier notre appréhension du monde.

Les rythmes biologiques de l’activité et du repos ont une histoire sociale et politique – la durée et la structure du sommeil ont été marquées par des normes successives. Parce qu’il nous fait chômer, le sommeil fait depuis l’ère industrielle l’objet d’enjeux politiques, comme en témoignent les efforts du capitalisme pour faire régner jour et nuit le profit et le rendement. La modernité veut un corps « recyclé » par la nuit. Le monde contemporain cultive et exploite l’idéologie des troubles du sommeil. Pendant ce temps, les plus démunis dorment à ciel ouvert dans les métropoles du monde entier.

Les expositions sont des situations d’éveil, elles favorisent de multiples régimes d’attention. Les processus artistiques peuvent susciter l’étonnement, les rencontres, les rapprochements imprévus, et encouragent ainsi la recomposition de nos perceptions, de nos certitudes et des hiérarchies qui nous gouvernent. Le parcours évoquera des lieux de retranchement féconds comme les chambres et les lits où l’on s’abandonne et se reprend ; les maisons et les terriers où l’on s’abrite et où l’on retrouve les autres ; les caches, les retraites propices à des situations de résistance et d’observation ; les salles de projection. Il sera aussi question de la traversée du grand froid et des prodigieuses stratégies végétales de la survie.

Veilles, méditations, brèves divagations – des sommeils partiels irriguent nos jours et nous offrent des temps de perceptions décalées, de pensées discordantes, de latence de nos jugements. Les artistes nous rappellent que ces moments sont des forces. Elles feront grandir nos manières de vivre et de cohabiter sur une planète dont nous ne sommes ni les propriétaires ni les seuls sujets.


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Artistes —

Francis Alÿs, Yto Barrada et Rodney Graham


Biographies —

Marie Muracciole est une critique d’art, auteure, enseignante et commissaire indépendante qui vit à Paris. De février 2014 à juin 2019 elle a vécu au Liban où elle a dirigé le Beirut Art Center (BAC). De 2005 à 2011, elle a dirigé le service et la programmation culturelle au Jeu de Paume à Paris. Elle conduit un séminaire à la Malmö Art Academy, en Suède.

Après des études d’architecture, Francis Alÿs amorce sa pratique à Mexico en 1986 avec des performances urbaines souvent déambulatoires. L’observation du quotidien dans des contextes géopolitiques complexes nourrit une œuvre en forme de paraboles visuelles et poétiques, qui recourt à de multiples supports et médiums. Son travail est exposé dans les musées du monde entier. Alÿs a participé à la Documenta 13 de Cassel et a représenté la Belgique à la 59e Biennale de Venise avec les Jeux d’enfants.

À partir des enjeux de la photographie, Rodney Graham a construit un univers plein d’humour, se mettant en scène dans des fables visuelles pour critiquer l’histoire des représentations. Sa pratique comprenait l’installation vidéo et le film, la performance et la peinture, mais aussi la musique. Il a représenté le Canada à la Biennale de Venise en 1997, et il fait l’objet de nombreuses expositions solos internationales. Il était officier de l’Ordre du Canada.

La pratique pluridisciplinaire de Yto Barrada s’appuie sur les récits subalternes et sur l’omniprésence de la fiction dans l’histoire officielle, en particulier dans le contexte de Tanger, la ville où elle a grandi. Son œuvre célèbre les stratégies de résistance à la domination. Elle a étudié les sciences politiques à la Sorbonne et la photographie à l’International Center of Photography (ICP) de New York, et elle a cofondé la Cinémathèque de Tanger en 2006, et fondé le Mothership, un centre de recherche et de résidence. Exposée internationalement, Barrada a reçu de nombreux prix.


Cette exposition est présentée en partenariat avec Manif d’art – La biennale de Québec.


Images à la une :

© Rodney Graham, Halcion Sleep, 1994. Avec l’aimable permission de la succession de Rodney Graham. Photo : Romain Guilbault

© Yto Barrada, Beau geste, 2009. Photo : Romain Guilbault

© Francis Alÿs, The Nightwatch, 2004. Photo : Romain Guilbault

© Francis Alÿs, The Nightwatch, arrêt sur image, 2004.