Emma Waltraud Howes.
The Time it Takes [Le temps qu’il faut]

Commissaire : Charlotte Lalou Rousseau

Du 10 février 2024 au 12 mai 2024

À propos —

The Time it Takes [Le temps qu’il faut] est la première exposition muséale individuelle de l’artiste Emma Waltraud Howes. L’exposition vise à mettre en lumière les nombreux fils qui tissent ses récents corpus en proposant une sélection d’œuvres datant de 2012 à 2024.

Petite, Howes se faisait raconter par sa mère une version de l’histoire de Sedna, la déesse inuk de la mer. La légende veut que pour fuir la famine, les membres du village partent en kayak à la recherche de nouveaux territoires de chasse. Le père de Sedna, la considérant comme une bouche de trop à nourrir, la jette par-dessus bord. Elle s’agrippe à l’embarcation, mais son père frappe ses doigts gelés à coups de pagaie. Ses mains éclatent et deviennent les poissons et les animaux marins. Sedna coule au fond de la mer. Depuis lors, elle règne sur toutes les créatures de l’océan et cherche vengeance en créant des tempêtes qui terrorisent les marins et influencent le fruit de leur chasse et de leur pêche.

Ayant d’abord évolué dans l’univers rigide et formaté de la danse classique, où la subjectivité et la parole individuelle n’ont pas leur place, Howes ne s’est pas fait couper les doigts, mais la langue. Une fois la parole perdue, comment se faire entendre? De quelle façon protester contre ce qui nous arrive? Que faire lorsque les spectres du passé nous hantent? Le corps devient le lieu de résistance, le médium à travers lequel tout s’exprime, puis la source d’un nouveau langage. Howes fait sens des petites et grandes histoires en les transformant en récits fantastiques, prolifiques et féconds.

Dans son plus récent projet Bang Bang Baroque (2024), Howes compose, par une esthétique maximaliste, sa propre mythologie où tout est relié : l’intime et le politique; le relationnel et le social; le végétal, l’animal et le minéral; l’imaginaire et le tangible; les histoires et l’Histoire. La poussière du désert du Sahara, issue de fossiles de poissons millénaires, transportée par le vent au-dessus des océans, finit sa course en Amazonie où elle nourrit les forêts. De la même façon, nous portons aujourd’hui à travers nos corps les traumatismes de nos aïeux.

Cette interconnexion se reflète dans la démarche de Howes depuis plusieurs années. Ses projets multidisciplinaires prennent souvent racine dans le dessin et la notation chorégraphique spéculative, avant de se déployer dans les troisième et quatrième dimensions. Ils se nourrissent l’un de l’autre, perpétuellement. Ce processus de traduction intermédiale s’inscrit dans un temps long, le temps qu’il faut pour donner forme au mouvement et vie à la forme.

Les recherches de Howes produisent diverses formes de traces. Le livret du film Bang Bang Baroque (les paroles de l’aria et les indications chorégraphiques) en est abondamment annoté. Une sélection des notes en bas de page de ce document est placée en exergue des cartels, afin que le récit de l’exposition prolonge celui de la pratique de l’artiste.


Voir les cartels

Biographies —

Emma Waltraud Howes agit comme traductrice entre le mouvement et la forme. Ses œuvres interdisciplinaires se manifestent par de multiples reconfigurations du corps et de l’espace qui s’appuient sur sa formation en danse, en théorie de la performance et en arts visuels dans le cadre d’une pratique artistique conceptuelle. Son travail est guidé par l’observation des gestes et se concentre sur le développement d’une pratique chorégraphique élargie intégrant des interventions publiques, des recherches kinesthésiques et architecturales, ainsi qu’une composante de dessin sous-jacente sous la forme de partitions graphiques pour les performances – des compositions représentatives d’une étape dans le développement du concept et de l’intention jusqu’à la représentation et l’effet.

Howes a étudié le ballet et l’opéra baroque avant de devenir membre de la compagnie du Canadian Contemporary Dance Theatre (1989-1994). Elle a obtenu un certificat de formation professionnelle du Toronto Dance Theatre, à Toronto (1997), un baccalauréat en beaux-arts de l’Emily Carr Institute of Art and Design, à Vancouver (2002), et une maîtrise en beaux-arts de l’Université Concordia, à Montréal (2009), où elle a reçu une bourse internationale pour participer au programme New Artistic Strategies de la Bauhaus-Universität, à Weimar. Pendant ses études, elle a dirigé une école d’arts martiaux pendant dix ans. Elle a été l’artiste en résidence du Conseil des arts du Canada à ACME Studios à Londres (2018) et l’artiste en résidence du Conseil des arts et des Lettres au Künstlerhaus Bethanien à Berlin (2014).

https://emmawaltraudhowes.com/

Charlotte Lalou Rousseau est habitée par la réconciliation du fond et de la forme. Amatrice de toutes choses méta, elle réfléchit l’exposition comme médium artistique et l’art comme moyen de comprendre le monde. Elle est titulaire d’un baccalauréat en histoire de l’art de l’Université de Montréal (2012) et d’une maîtrise en études curatoriales de l’Université de Toronto (2016). Elle a été commissaire en résidence au Node Center for Curatorial Studies, Berlin (2013) et à MAGO, Eidsvoll Verk, Norvège (2015). De 2017 à 2022, elle a occupé le poste de conservatrice adjointe de l’art contemporain au Musée d’art de Joliette, où elle a notamment commissarié les expositions individuelles de Kevin Schmidt (co-commissaire : Jean-François Bélisle), de Patrick Coutu et de Jean-Pierre Gauthier. Ses textes sont parus dans les revues Le Sabord, Esse, Spirale et Artichaut magazine. Rousseau conjugue présentement ses pratiques de commissariat, de critique et d’écriture en poursuivant une maîtrise en traduction (Université de Montréal).


Cette exposition est réalisée grâce au soutien financier du Conseil des arts du Canada et de Superframe.


Images à la une :

© Emma Waltraud Howes, Bang Bang Baroque, 2024. Photo : Romain Guilbault

© Emma Waltraud Howes, The Narcissist, or Elsa’s Muse: Performer III [Le narcissique ou la muse d’Elsa : Performeur III], de la série Bang Bang Baroque, 2019. Photo : Romain Guilbault

© Emma Waltraud Howes, Children For or Against the Destruction of Birds series [Série Enfants pour ou contre l’extermination des oiseaux], 2014. Photo : Romain Guilbault

© Emma Waltraud Howes, Bang Bang Baroque, 2024. Photo : Romain Guilbault

© Emma Waltraud Howes, Let All Canons Fall, or Aktualneurosen: Performer II [Que tombent tous les canons ou Aktualneurosen : Performeur II], de la série Bang Bang Baroque, 2019. Photo : Romain Guilbault

© Emma Waltraud Howes, Bang Bang Baroque, arrêt sur image, 2024. Film à trois canaux avec son. Interprète sur la photo : Jao Moon. Direction de la photographie : Kleber Nascimento (Berlin)